" Salo ou les 120 journées de sodome "

Salo ou les 120 journées de Sodome Pier Paolo Pasolini Qu'on ne soit pas surpris par le phénomène en question. Pasolini nous avait prévenu: Salo sera un film cruel. Tellement cruel justement que la censure s'est empressée de le prendre dans ses filets. Et l'on comprend rapidement pourquoi. Inspiré librement de l'univers sadien et de l'enfer dantesque, Pasolini fit de Salo une représentation monstrueuse de la barbarie. Et le mot est faible. Lorsque pendant la République de Salo, quatre nazi-facistes font des rafles dans une copie conforme du château de Sade: l'avant goût du spectacle est donné. Comment agit en effet le pouvoir en se dissociant de l'humanité? En la transformant en objet? Tel était le projet (pleinement abouti). Et l'horreur commence. D'humbles victimes réduits à l'état de choses. Quatre seigneurs aliénés. Et une organisation très formelle, qui sépare le rite morbide en trois cercles infernaux: sexe, merde et sang. Ce qui reviendrait au sexe, alcool, drogue d'aujourd'hui, mais Larry Clark lui-même n'est qu'un vulgaire annonceur de pub télé,à côté. Bref, Salo; c'est politique, subversif et anarchiste. C'est Pasolini. Ses idées, ses convitions, ses coup de gueule. Mais se contenter de cela ne lui fait pas honneur. Parce que l'image du sexe omniprésnet n'a jamais été aussi bien traitée. Jovialité ou répression. Triste ou obsessionnel. Salo décline toute une métaphore du rapport sexuel à l'homme. Son sens de l'obligation et sa laideur. L' être marchandise et les corps dénudés parviennent à vendre l'idée d'un certain pouvoir de la société. Le pouvoir de consommation qui soumet ses victimes au marché, comme les seigneurs l'être au sexe. Le réalisme de Pasolini se veut brut, intense mais son regard sur cette réalité ne fait qu'accentuer l'intérêt du film. Car même si quelques scènes peuvent troubler les âmes sensibles, il a le mérite d'être un grand film. Empreinte d'une liberté excessive avec l'objectif et d'un nouveau langage quasi-symbolique.Salo a rempli son rôle. Marquer les mentalités d'une touche finale sur le tableau, laisser une trace dans l'histoire du cinéma. Et jeter au passage un beau pavé à la morale. Comme s'il avait pressenti le scandale, le choc. Il disait : Quand j'aurai fini Salo, je ne ferai plus de cinéma. Chose promise, chose due.
Dorothy Malherbe le 2004-02-20