" la petite lili " de Claude Miller

Etait-ce une simple mise en abyme ? Une volonté de brouiller les esprits ? Un défi au spectateur ? Rares sont les films qui font pleuvoir autant de questions, à la sortie d’une salle. Car avouons-le, le dernier opus de Claude Miller : La Petite Lili laisse à réfléchir. Il a beau avoir été sélectionné à Cannes cette année et être une adaption littéraire tchekovienne, il en demeure pas moins énigmatique. On a en effet lâché un « bizarre ! », comme ça, sans faire exprès, avant d’effleurer le mot « étrange » qui, au final nous plie à dire qu’il est tout simplement « indéfinissable ». En terme de cinéma, ce pourrait être un palmarès mais il serait bon, avant cela, d’en dessiner les raisons.

Au début, tout semble clair, limpide. Les premières images se veulent crues, brutes mais elles cernent au plus juste le couple vedette que formeront Ludivine Sagnier (dernière égérie de François Ozon, bon choix !) et Robinson Stévenin (« le fils de… » et accessoirement bon en gamin paumé). La jeune fille n’a pas froid aux yeux et le post-ado. aux inspirations bergmanniennes est en pleine remise en question. On observe alors les premières scènes : des vacances à l’Espérance, la demeure familiale qui accueille chaque année la mère actrice (Nicole Garcia, haïssable mais divine), le compagnon cinéaste (Bernard Giraudeau, troublant), le grand-père (Jean-Pierre Marielle, encore convaincant !),… Le garçon rebelle, amant de Lili vient présenter son court métrage, véritable prétexte à conflits, qui fait voler l’harmonie en éclats. Surtout quand flotte dans les airs des parfums à forte dose ombrageuse : une sensualité juvénile qui gêne, dérange, excite jusqu’au désir ne va pas sans conséquences…



Et les ennuis commencent. Les conflits familiaux, l’entrechoc des générations, des opinions artistiques qui s’affrontent : assez pour retourner la situation et accessoirement le film. Alors démarre un second film. L’histoire d’une deuxième vie. Lili devient actrice de son propre rôle à l’Espérance, comme les autres, à la manière d’un remake aux effets réels garantits. On pense à Lynch quelques instants par cette confusion entre le réel et la fiction. Une sorte de Mulholand Drive avec l’hésitation en plus. Le doute persiste, le trouble vient s’y mêler et l’on ne parvient toujours pas à comprendre. Le sens du film nous échappe mais sa charge émotionnelle elle, nous rattrape. On en retient la relation mère-fils, la gloire qui fait grossir les têtes et tomber dans l’excès, le 7ème art comme milieu de requins, de batailles.

Finalement, on s’accordera à dire, avec parcimonie, que La Petite Lili est un film sur le cinéma. Faire son cinéma pour obtenir du cinéma. Ne pas voir que son reflet, ses coulisses aussi et gagner en partie l’un des plus beaux plans final : une photo de tournage en souvenir. En souvenir de quoi ? De personnages ou d’acteurs, il est toujours question de cinéma…



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Dorothy Malherbe le 2002-09-20