Il était une fois Sergio Leone

De sa naissance au péplum Sergio Leone est né le 3 janvier 1929, en plein cœur de Rome, dans un palais historique : le Palazzo Luzzeroni. C’est un enfant de la balle : son père Roberto Leone Roberti était acteur-metteur en scène et sa mère Bice Valerian, actrice. C’est dans ces rues de Rome, qu’il passe une partie de son adolescence à ne rien faire. A seize ans, projeté dans le cinéma, rêvant du western, il se retrouve à Cinecittà,. En 1948, il est « cinquième assistant volontaire » de De Sica qui tourne Le voleur de bicyclette. Il est aussi l’un des personnage à la tête du défilé de la procession des faux séminaristes. Cette épisode est la première contribution réelle de Sergio Leone au cinéma de son pays. Plus tard, il est assistant dans un film inachevé d’Orson Welles. En 1955, il devient l’assistant de Robert Wise (remplacé par Raoul Walsh) pour Hélène de Troie. Il y a une chose amusante pour ce film, dit Sergio Leone, j’ai dû me battre pour imposer une débutante dans un rôle d’esclave : elle s’appelait Brigitte Bardot. En 1959, il collabore avec Andrew Marton à la réalisation de la course de chars dans Ben-Hur de William Wyler, puis devient l’assistant de Fred Zinneman pour Au risque de se perdre. Puis en 1960, il doit remplacer Mario Bonnard, tombé malade sur le remake Des derniers jours de Pompéi. Le film obtient un succès triomphal. De premier assistant réalisateur, Leone devient le champion du film antique. Le colosse de Rhodes C’est ainsi qu’il réalisa en 1960, Le Colosse de Rhodes qui devait être interprété par John Derek. Cela ne s’est pas bien passé entre eux. « John Derek se prenait pour une star et refusaient de répéter les combats au glaive ». Il le remplaça par Rory Calhoun. Le pire, dit Sergio Leone, fut le succès du Colosse de Rhodes. Tout le monde voulait que je fasse d’autres films du genre. Je décidai de refuser toutes propositions, quitte à abandonner la mise en scène. En 1961, il dirige la seconde équipe de Sodome et Gomorrhe de Robert Aldrich. Mais hélas, déçu par le comportement de Robert Aldrich, il quitte le plateau au bout de huit semaines. Son nom resta au générique uniquement pour que son producteur italien puisse récupérer la prime d’état. Après tout ça, il décida d’en terminer avec le péplum. Du péplum au western Dans les années 60, le western disparaît progressivement de nos écrans. Ses vétérans (John Ford, Raoul Walsh, Howard Hawks) tournent de moins en moins. Les studios hollywoodiens cessent de produire ces épopées populaires pour s’enfoncer dans un cinéma psychologique et pessimiste. Pourtant, les héros de nos westerns survivent dans nos mémoires. Plus qu’un genre cinématographique américain, le western est le territoire de nos rêves. En Europe, le public populaire ne retrouvant plus ces grandes épopées, se tourne vers le film antique. Hercule, Maciste remplacent nos héros de l’ouest. Le « péplum* » est né. Devant cette engouement pour ce genre de films, les Allemands décident de filmer des aventures exotiques, des films policiers à énigmes et …des westerns. Les romans de Karl May, les aventures de l’Indien Winnetou, sont adaptés au cinéma. L’origine européenne de ces films est dissimulée en faisant de faux génériques avec des noms américains. Ces films sont médiocres mais obtiennent du succès. Les Italiens ont l’idée de suivre cette nouvelle voie. Au sujet de ces westerns européens, Sergio Leone n’est pas tendre : « Je les voyais tous, bien entendu, et j’avais la nette impression de voir de la très mauvaise télévision. Par contre, l’intérêt du public pour ces films de séries Z me fit plaisir. L’Ouest était toujours chargé de magie. Et cette idée me donnait confiance en l’avenir ». * Le mot peplum, d’une expression péjoratives née en France à la fin des années 50, visait essentiellement les films à petit budget, méprisés par la critique et destinés à un public populaire. Souvent le fruit d’un coproduction ayant au générique des acteurs américains (Reg Park, Steve Reeves, Gordon Scott), le canevas était souvent le même, héros à la musculature hypertrophiée, héroïne ingénue, courtisane un peu salope, catastrophe naturelle, affrontements guerriers, rituels, banquets orgiaques, danses suggestives, sado-masochisme, héros victorieux. L’Antiquité mise à mal, n’était pas le souci du réalisateur, ni du public, il s’agissait de pouvoir se reconnaître dans une mythologie delle arte. Pour une poignée de dollars En 1964, le cinéma italien est en crise. Les westerns-spaghetti (expression que Leone déteste…parle-t-on, à propos de Ben-Hur, de « hamburger romain » ?) sont à peu près les seuls films dans lesquels les producteurs déçus, déprimés, désargentés, osent encore risquer quelques millions de lires. Mais les nuages s’amoncellent à l’horizon de ce genre de films. Un jour Leone rencontre des producteurs de sa connaissance : pourquoi ne feraient-ils pas un western ensemble ? -Apportez-nous une histoire, disent les producteurs. Pour réfléchir à cette proposition, Leone pénètre dans un cinéma où l’on projette Yojimbo de Kurosawa. Le scénario de ce film est inspiré d’un célèbre roman de Dashiell Hammett, la Moisson rouge. Pourquoi chercher plus loin ce qu’on a à portée de main ? D’ailleurs, ce roman n’est-il pas la transcription d’une pièce de Goldoni, Arlequin serviteur de deux maîtres, un classique de la Commedia d’ell’Artes.(Les producteurs de la firme Jolly, responsables de Pour une poignée de dollars, céderont à Kurosawa et à la compagnie japonaise Toho les droits de distribution du film au Japon, à Formose et en Corée du Sud, plus 15% des recettes mondiales suite à un procès pour plagiat du film Yojimbo). Le tournage peut commencer. La distribution pose certains problèmes. Leone rêve d’une grande vedette. Lee Marvin avait refusé. James Coburn s’était révélé trop cher. Il avait dans sa mémoire, le visage d’un acteur inconnu : Clint Eastwood. Mais les producteurs ne sont pas d’accord. Leone insiste. Clint Eastwood n’est pas cher. Les producteurs cèdent. C’est en Espagne, près de Madrid, dans un petit village appelé Colmenar, que Leone découvre les extérieurs de son film. Deux ou trois ans plus tôt, on y a construit un village de l’Ouest pour y tourner plusieurs westerns-spaghetti. Depuis, le village de cinéma, abandonné, a pris l’aspect d’une ville-fantôme. C’est justement cela que Leone recherche. Il empêche les Espagnols de le rénover. C’est aussi dans les environs, qu’il découvre un petit désert, une sorte de miniature du Nouveau-Mexique : Almeira. Mais les problèmes commencent. Ce western italien sans vedette et sans femme, laisse les producteurs et les exploitants totalement indifférents. Au trois quarts du tournage, l’argent vient à manquer. C’est la crise. Certains proposent d’arrêter le film. C’est grâce à un propriétaire du village voisin, heureux de voir dans le cinéma le petit désert qui lui appartient, qui accepte de faire crédit pour loger l’équipe et louer un groupe électrogène. Quand se pose le problème de la musique, il n’est pas question de faire appel à un compositeur en vue. On lui propose un certain Morricone. La musique qu’il a écrit pour Duel au Texas, seule référence de cet inconnu, est loin de satisfaire Leone. Ce qui rapproche les deux hommes, c’est que Morricone n’a pas aimé non plus. L’air du film, qui deviendra un des plus populaires du monde, est une mélodie plus traditionnelle composée quelques années auparavant. Il demande à Morricone de la réorchestrer et de l’accompagner d’un bon siffleur. En Italie seulement, on vendra un million et demi d’enregistrements. Mais les rares producteurs et candidats-exploitants qui acceptent de visionner le film, s’en vont en général après dix minutes. C’est dans la plus vieille et la plus minable des salles de Florence que le film est finalement projeté. -Je n’oublierai jamais ce mois d’août 1964, raconte Leone. J’allais à Florence pour la première projection. Il faisait une chaleur étouffante : en Italie, sortir un film en août, c’est l’assassiner. Dans ce cinéma des faubourgs, c’était l’assassiner doublement. La salle datait de 1908 ! Dans mes cauchemars les plus sombres, je n’avais jamais vécu une scène aussi sinistre. Naturellement, les producteurs, découragés, n’avaient pas investi une lire en publicité. C’est tout juste si mon film était annoncé dans les programmes des journaux. C’était comme s’il n’existait pas, comme s’il n’avait jamais existé. Le premier jour, le film rapporte, en recette brute autant qu’un film de série Z. Le lendemain, un samedi, il ne fait guère mieux. C’est la fin. Sergio Leone regagne Rome. Le dimanche est à peine moins catastrophique. Le lundi, totalement abattu, Leone hésite à téléphoner. Mais surprise pour le propriétaire de la salle, la recette de cette journée est bien plus importante. Il se passe quelque chose. Le succès est tout simplement au rendez-vous. Cinq mois plus tard, Pour une poignée de dollars sera toujours à l’affiche à Florence ! A Rome , une autre « première projection » a lieu au Supercinéma, une salle de pointe. C’est la ruée, le début d’une sorte d’hystérie collective. Les producteurs triomphent avec leur modestie habituelle : -Nous avions flairé la bonne affaire. Nous étions sûrs du succès. …Et pour quelques dollars de plus Sergio Leone avait conçu Pour une poignée de dollars comme le premier volet d’un triptyque. Mais, il n’avait pas prévu l’extraordinaire succès du film, alors que son souhait le plus cher était d’enchaîner avec un scénario écrit vingt ans auparavant « Viale Glorioso ». Ce succès allait changer ses plans. Ne voulant pas réaliser un deuxième western, les producteurs de la Jolly, qui entassaient dans leurs coffres les recettes de « Pour une poignée de dollars » entendaient bien le convaincre. Il réussissent en adoptant une étrange attitude : « Si vous voulez toucher ce qui vous revient sur le premier western, lui dirent-ils, signez un second western avec nous » Il se résigna à ranger dans ses tiroirs son histoire italienne. Le choix du titre de ce second film : « Et pour quelques dollars de plus, dit Sergio Leone, exprime bien les sentiments que je ressentais à l’époque. J’étais capable de faire un film sans eux, que ce fût un western ou autre chose. Il ne me fallait, pour réaliser ma démonstration, que quelques dollars de plus… Naturellement, Sergio Leone construit son film autour de Clint Eastwood. Il sera au cœur de l’action. Le vrai problème, c’est trouver l’acteur qui incarnera son ami, son double…Et pour quelques dollars de plus doit être une apologie de l’amitié entre hommes, entre durs. Comme pour son premier western, Leone voit Lee Marvin dans ce rôle. Mais second refus de Lee Marvin qui vient de signer un contrat pour Cat Ballou. Leone cherche dans ses souvenirs. Soudain, même si cela est un peu confus, il revoit un des trois pistoleros du Train sifflera trois fois de Fred Zinnemann. Voilà le personnage. Mais qui est-il ? Quand t-il le découvre, Lee Van Cleef a glissé dans la dépression, survécu à un grave accident de voiture et a été mis à la porte de l’agence qui l’emploie. Il peint, mais surtout il boit. Frappé par une silhouette impressionnante mais prématurément vieillie, Leone est convaincu qu’il a trouvé son personnage. Sans même attendre les essais, il lui propose le rôle. Mais, l’angoisse le prend dans l’avion du retour. A peine débarqué à Rome, il veut en avoir le cœur net. Les bouts d’essais tournés à Cinecittà sont excellents. Leone respire, il a trouvé son numéro deux. Le numéro trois du film sera John Welles, qui jouait déjà dans Une poignée de dollars, qui retrouve son véritable nom : Gian-Maria Volonté. Contre l’avis de tous, il propose dans un rôle secondaire, un étrange acteur allemand qui deviendra une vedette : Klaus Kinski. Leone tournera de nouveau à Almeira, mais dans « son » village construit pour l’occasion. Cette fois ci, ni l’argent ni le temps lui a manqué. A la sortie du film, le succès est encore au rendez-vous. Un an après Pour une poignée de dollars, …Et pour quelques dollars de plus bat les records de recette ! Pour Sergio Leone, c’est enfin la fortune, car Pour une poignée de dollars lui coûta très cher : les producteurs de la firme Jolly, prétextant l’affaire Yojimbo, refusa de lui donner la moindre lire. Le Bon, la Brute et le Truand Le western-spaghetti est au sommet de sa vague de popularité. En 1966, Leone met en chantier le troisième et dernier volet de sa trilogie Dollars. Il précise aussi que ce sera son dernier western. Quittant son petit monde de l’Ouest sauvage, perdu à la frontière mexicaine, Leone innove et se lance dans une grande fresque sur la guerre de Sécession. Pour écrire le scénario et intégrer beaucoup d’humour dans le récit, il fait donc appel à Age et Scarpelli. Mais leur collaboration fut un désastre, et Leone reprit l’écriture avec Luciano Vincenzoni et quelques « nègres ». Pour les personnages, il fait de nouveau appel à Clint Eastwood pour le Bon et à Lee Van Clef pour la Brute et un nouvel acteur, oubliant l’Actors Studio, Eli Wallach pour le Truand. Quand Clint Easwood apprend la nouvelle, il manifeste un grand mécontentement : Au début, j’étais à peu près seul. Puis on a été deux. Et maintenant, nous voilà trois ! Je vais finir dans un détachement de cavalier ! Leone considère son western comme « chaplinesque », en référence directe à Monsieur Verdoux et cette phase du dialogue : « Messieurs, en matière de crimes, je ne suis qu’un dilettante à côté des présidents, des gouvernements et des hommes qui déclarent les guerres, de M. Roosevelt, de M. Staline qui font ça à grande échelle » . Comme M. Verdoux, les héros de Le Bon, la Brute et le Truand dépassent leur fonction, pour devenir des marionnettes dans la grande monstruosité dévastatrice qu’est la guerre de Sécession. Il réactualisera aussi l’histoire en montrant un camp de concentration nordiste, avec cette orchestre qui couvre les cris des prisonniers torturés qui fait pensé bien sûr, au camps nazis avec les orchestres juifs. Le final montre Clint Eastwood s’éloignant vers le sud, portant le même pancho que son arrivée dans Pour une poignée de dollars, bouclant ainsi sa trilogie des Dollars. Le succès du troisième volet est immédiat. Les Américains le réclament avec impatience. En cette année d’élection aux Etats-Unis, Bob Kennedy cite le film dans un discours. Il voudrait utiliser le titre du film pour sa campagne électorale. Le seul problème serait la distribution des rôles… Entre Johnson, Nixon et lui, qui serait le Bon, la Brute et le Truand. Grâce à cela, le film connut un succès phénoménal outre atlantique. Clint Eastwood est retourné dans son pays. La future star propose à Leone de le mettre en scène dans plusieurs films (Pendez-les haut et court, Sierra torride), mais Leone refusera à chaque fois. Les deux hommes se reverront plusieurs années plus tard sur le tournage de Il était une fois en Amérique. Après Leone le western n’est plus tout à fait ce qu’il était. Fini le héros sans humour, la jolie fille impeccables, le redresseurs de torts sans défauts. On fera encore beaucoup de westerns aux Etats-Unis et ailleurs, mais ils seront différents, et surtout, on ne les verra plus de la même manière. Après la sortie de Le Bon, la Brute et le Truand, le style Leone influencera considérablement l’école américaine des westerns. Il a dans une certaine mesure changé la façon de le voir, et de le comprendre. Il était une fois dans l’Ouest Sergio Leone a jeté sur le papier les bases de ce qu’il pensait être son prochain film : Il était une fois en Amérique, adaptation du livre « The Hoods » (A main armée) d’Harry Grey. S’étant rendu aux Etats-Unis, Leone rencontre les plus grands producteurs américains. Mais ce film ne les intéressent pas pour le moment, sauf s’il accepte de leur concocter un autre western, ils l’aideront à réaliser son projet. Puisque les producteurs tiennent les cordon de la bourse, il fera ce qu’on lui demande, mais il sait qu’il tient sa vengeance. Tourné en Italie, en Espagne mais aussi aux Etats-Unis, Il était une fois dans l’Ouest repose sur une histoire originale écrite par Dario Argento et Bernardo Bertollucci. Leone lui-même retravaille le scénario avec Sergio Donati. L’histoire, tout en se présentant comme un super-western, est en réalité un « anti-western » type, grâce auquel Leone règle ses comptes avec un Ouest conventionnel qui lui déplait autant que les producteurs qui l’ont poussé dans l’aventure. Il propose un des rôles principaux à son acteur fétiche, mais Clint Eastwood refuse. Puis il envisage l’idée de confier aux trois interprètes de Le Bon, la Brute et le Truand les personnages des trois tueurs de la scène d’ouverture. Une manifestation de sa volonté d’en finir avec le western. Eastwood est le seul à refuser. Il décide donc d’utiliser à l’envers les talents d’Hollywood. Trois grandes vedettes mythologiques américaines : Charles Bronson, super-star des méchants devient un vengeur ; Henry Fonda a toujours été un héros, il deviendra un salaud intégral; et Jason Robards, acteur de films dits intellectuels, est un simple, sans nuance. Pour la première fois, il donne un grand rôle à une femme : Claudia Cardinal, qui n’est pas exactement la personne qu’on attend à voir surgir dans le désert dans un rôle de putain qui escroquera un riche fermier. Mais cette volonté de briser le mythe que représentait Henri Fonda, incarnation du héros de l’Ouest, romantique et irréprochable est peut être la cause de l’insuccès du film aux Etats-Unis, alors qu’il triomphe dans le reste du monde. Pour la musique, Leone fait de nouveau appel à Morricone. Il se souvient que pendant l’enregistrement en studio de cet air d’harmonica qui allait devenir célèbre, ses mains étaient autour du cou du pauvre musicien, au bord de l’étouffement. Leone serrait, plus ou moins, pour canaliser le souffle, fragiliser l’interprète et obtenir, non pas une simple exécution de la partition écrite par Morricone, mais une véritable… « plainte de douleur » ! Malgré son budget considérable, ses qualités, son allure d’opéra et son succès, Il était une fois dans l’Ouest n’a pas donné à Sergio Leone autant de plaisir que les trois films précédents. Celui là, il l’a fait. Les autres, il les a conçus. Il était une fois la Révolution Après Il était une fois dans l’Ouest, Sergio Leone est reparti sur l’adaptation de The Hoods. Mais il était toujours impossible de monter l’affaire et difficile de trouver un autre sujet. Leone décida donc de devenir producteur à l’Américaine, ce qui consiste à en prendre tous les risques. Si le film est réussit, il en aurait tout le mérite. S’il est mauvais, se sera entièrement de sa faute. Mais les choses ne se sont pas réellement passer ainsi. Leone avait trouvé un sujet et le soumit à ses partenaires du moment, United Artists. L’histoire tenait sur un synopsis de vingt-cinq pages. Elle racontait l’histoire d’une amitié entre un péon mexicain et un révolutionnaire de l’I.R.A…Les Américains lui proposent comme metteur en scène un ancien critique de cinéma qui venait de tourner un film pour Roger Corman. Peter Bogdanovich réalisera donc le film et Sergio Leone le produira. Mais suite à des divergences de conception, il remercie Peter Bogdanovich. Leone attend donc que la United Artists lui fasse une nouvelle proposition. Mais pour l’heure, c’était le casting qui posait problème. Leone souhaitait Jason Robards pour le péon et Malcolm McDowell pour l’Irlandais. Ils lui conseillèrent d’engager Rod Steiger. Dans ce contexte, Leone préféra choisir James Coburn pour l’Irlandais. C’est alors qu’il contacta Sam Peckinpah, enchanté de faire un film dont Leone en était le producteur. Mais les acteurs annoncent qu’ils ne feront le film que si Leone en ait le réalisateur. Il ne s’aperçut que trop tardivement que tout cela était un complot pour l’obliger à réaliser ce film. L’histoire Bogdanovich était une fausse piste. Rod Steiger et James Coburn étaient également dans le coup. Il réécrit des scènes et lui imprime son style et sa patte d’auteur. Malgré lui, une seconde trilogie s’est mise en place. Et de producteur, Leone se retrouva de nouveau réalisateur. Il était une fois la Révolution, tourné comme les autres films à Almeira, fut un film difficile mais stimulant. C’est une suite d’aventures tragi-comiques, jonglant avec le burlesque et la dérision. Mais, au-delà du rire et des conventions, se glissent une dénonciation de toute forme totalitarisme et un message politique…libertaire. Il n’y a qu’en France que le film c’est intitulé Il était une fois la Révolution. En Italie, Leone a choisi Giù la testa, qui signifie « courbe l’échine », car les distributeurs craignaient une confusion avec Prima della rivoluzione de Bertolucci. Pour bien accentuer le côté comédie et souligner la différence avec Il était une fois dans l’Ouest, que le public américain avait boudé, le film fut intitulé aux Etats-Unis Duck You, Sicker (Baisse la tête, connard) ou encore A Fistful of Dynamite (Une poignée de dynamite). Le film connut un immense succès dans le monde entier. De la production aux films publicitaires Leone n’arrive toujours pas à monter The Hoods. Ne trouvant pas d’autre projet, il se tourne vers la production, plus pour rester en contact avec le milieu du cinéma que pour gagner de l’argent. Sa première production fut Mon nom est Personne. Il en confit la réalisation à son ancien assistant : Tonino Valerii. Leone réalisant le début, la bataille et le duel final. Hélas ! le film achevé le déçoit un peu. Pour sa seconde production, Leone souhaitait construire une histoire pour les trio des valseuses. Mais le film de Bertrand Blier n’ayant marché qu’en France, il choisit Terence Hill et Robert Charlebois pour entourer Miou-Miou. Très impressionné par le film La Maffia fait la loi, il confia la réalisation de Un génie, deux associés une cloche à Damiano Damiani. Il pensait qu’il serait l’homme de la situation. Leone reconnu son erreur. -Damiani excelle dans les choses dramatiques, mais ce n’est pas un humoriste. Il n’a aucun sens de la farce et de l’ironie. Et moi, avec ce film, je voulais faire L’Arnaque en western. Le résultat fut lamentable, confia t-il à Noël Simsolo dans son livre « Conversation avec Sergio Leone ». Qui a tué le chat est sa troisième production. Il fait appel à Luigi Comencini pour la réalisation. C ‘est de loin le meilleur des films produits par Leone, au point que Robert Altman en a volé le sujet pour que Robert Bresson le refasse sous le titre de Le chat connaît l’assassin. Pour terminer, il produira le film de Giuliano Montalbo, Un jouet dangereux et mettra sa société de production la Rafran en sommeil. Leone est de nouveau sollicité pour réaliser l’adaptation d’un livre qui n’était alors que sur épreuves. Mais lisant mal l’anglais, il le confia à un proche qui lui déclara que cela n’était pas très bon. Plus tard, quand fut publiée la traduction italienne, il lu l’ouvrage. -Cette histoire peut faire un film formidable, déclara-t-il. Mais trop tard. Coppola était entrée dans l’affaire pour réaliser ce qui deviendra un succès mondiale : Le Parrain. D’autres propositions lui seront faites. L’adaptation de Corto Maltése d’après les albums d’Hugo Pratt. Mais Leone n’y croyait pas en tant que film. Une série télévision d’après « Cent Ans de solitude » de Garcia Mâquez. Mais ce dernier demandait trop pour céder les droits. La télévision ne pouvait pas payer une somme pareille. Des projets de ciné-opéras avec Daniel Toscan du Plantier. Mais pour Leone, du Plantier est un personnage comique qui ne comprend rien au cinéma. C’est son ami Frédéric Rossif qui le poussera à faire de la publicité. Il tournera plusieurs films pour Gervais et Renault. Il était une fois en Amérique -Il était une fois en Amérique ne prétend être ni une enquête sociale ou politique ni une analyse critique de quelque ordre que ce soit, même cachée sous le romanesque. Au contraire, le titre indique que le film est un conte de fées, une fable…écrite évidemment pour les adultes, mais une fable tout de même. Sergio Leone pour « Le Point » en janvier 1984. Après douze ans de silence, sans accepter la moindre concession, et beaucoup de difficulté pour obtenir les droits cinématographique du livre, Sergio Leone est enfin de retour avec une saga qui réclamera six mois de tournage. Pendant tous ce temps, il sait montré dans les festivals et les rencontres cinématographiques. Il voulait rappeler aux gens qu’il existait toujours et que son projet si difficile à monter, n’était pas l’Alésienne. C’est après la sortie de Le Bon, le Brute et le Truand, que Giuseppe Colizzi réalisateur du film Les Quatre de l’Ave Maria, fit lire The Hoods à Sergio Leone. Mais après avoir lu ce bouquin, Leone n’étais pas très enthousiaste. Rien ne l’incitait à en faire un film, mais quelque chose d’autre l’intriguait. C’était l’autobiographie d’un véritable gangster. Leone n’avait qu’une envie, rencontrer Harry Grey. Leur rencontre eu lieu à l’issue du tournage de Il était une fois dans l’Ouest. En réalité, Harry Grey avait tout inventé. Les seules choses authentiques de son récit, c’étaient les épisodes de l’enfance. Et c’est justement cela qui intéresse Leone. Il développe tout ce qui s’y rattache et réussit à intégrer plusieurs éléments qui se trouvaient dans son script : Viale Glorioso. -Le personnage principale du film, raconte Leone, c’est le temps. Au fil des ans, les personnages changent d’aspect, et parfois d’identité. Pourtant, ils restent liés à leur passé. Déterminés par lui. C’est le temps qui avait fait d’eux des ennemis, c’est le temps qui aujourd’hui les réunit. Toutes proportions gardées, conclut-il. Il était une fois en Amérique, c’est peut-être le « A la recherche du temps perdu » de Sergio Leone. Parce qu’il y a trois époques, il fut à un moment question de faire interpréter chacun des rôles par des acteurs différents. Au début, Leone voulait que le rôle de Max soit français. Gérard Depardieu crevait d’envie d’interpréter le rôle. Si Depardieu était conservé, Jean Gabin aurait pris le rôle de Max vieillard. Richard Dreyfuss devait être Noodles adulte et James Cagney pour Noodles vieillard. A ce stade du projet, Leone souhaitait plusieurs star du passé, comme George Raft…Même Paul Newman avait été pressenti. A l’époque, il avait promis un rôle à Robert de Niro. Pour pouvoir jouer le rôle de Noodles, de Niro rompit un contrat qui devait le faire travailler sur un film pendant dix-huit mois. Pour le rôle de Max, Leone ne souhaitant plus que Max soit français, préférait trouver un nouveau comédien. Il découvre James Wood sur une scène de théatre. -Je le trouvais bien. Son essai ne fut pas concluant, mais je sentais une réelle névrose derrière son étrange visage. Il tourne dans des lieus aussi différent que, Mexico, Montréal, en Espagne, dans les rues de New-York, gare du Nord à Paris ou aux studios romains de Cinecittà. -Il était une fois dans l’Ouest était la fin d’un monde et le début d’un autre monde. Dans Il était une fois la Révolution, c’est le début d’une maladie. Dans Il était une fois en Amérique, c’est la fin du monde. La fin d’un genre. La fin du cinéma. Pour moi, c’est bien cela. Tout en espérant que ce n’est pas vraiment la fin. Je préfère penser que c’est le prélude à l’agonie. Cependant, il y a un certain espoir dans le regard final de De Niro. Comme si je disais : « Si vous avez bien compris qu’avec des films comme celui-ci on peut sauver le cinéma, aimez les films et allez les voir ». Oui, c’est la fin d’un genre. Oui, c’est la fin de la sécurité. Oui, c’est la fin d’un monde. Mais ce n’est pas la fin d’un rêve. Le film sort en France en mai 1984, dans sa version longue de 3 h 40, mais aux Etats-Unis, il sort dans une version tronquée. Tout y est platement chronologique : l’enfance, la jeunesse et la vieillesse. Il n’y a plus le temps. Il n’y a plus le mystère, le voyage, la fumerie et l’opium. Pour Sergio Leone, c’est une aberration. Il ne peut accepter qu’on lui dise que la version original est trop longue. Avec ce film, Leone c’est vengé de tout ce que l’Amérique et le cinéma lui avait mis dans la tête. Ce film est différent de ses précédentes œuvres. -Je suis vraiment content d’avoir attendu quinze ans pour le faire. Tout ce temps fut important. J’ai réfléchi lorsque j’ai vu le film terminé. Et j’ai compris que si je l’avais fait plus tôt, ce n’aurait été pour moi qu’un film de plus . Maintenant, Il était une fois en Amérique, c’est le film de Sergio Leone. Et c’est moi, ce film. Un film pareil, on ne peut le réussir qu’avec la maturité, des cheveux blancs et pas mal de rides autour des yeux. Jamais je n’aurais pu faire le film ainsi si je l’avais réalisé à quarante ans… Les neuf cents journées de Leningrad Sergio Leone s’écarte définitivement du western et pour une fois, l’amour interviendra dans un de ses films. Les producteurs américains seront George Lucas et Stephen Spielberg. Le grand projet qui lui tient à cœur : retracer le siège de Leningrad entre 1941 et 1943. Un film qui aurait dû voir le jour, puisque les autorités russes en avaient accepté le tournage. Dans le livre « Conversation avec Sergio Leone » de Noël Simsolo, Sergio Leone pour conclure ses heures d’entretien, raconta l’ouverture des Neuf Cents Journées de Leningrad… - Je commence par un gros plan des mains de Chostakovitch. Elles sont sur les touches de son piano… La caméra sera sur un hélicoptère, hors de la maison, et le gros plan sera pris au travers de la fenêtre ouverte. Nous voyons les mains qui cherchent les notes de la Symphonie de Leningrad. Et le compositeur les trouve. Cette musique est répétitive. Elle commence avec trois instruments, puis cinq, puis dix, puis vingt, puis cent… Et mon ouverture sera faite sur cette musique. En un seul plan-séquence. Un plan-séquence comme on n’en a jamais fait : la caméra quitte le gros plan des mains du compositeur. Elle va en arrière. Nous découvrons sa chambre. On en sort par la fenêtre. C'est la rue. L’aube. Deux civils sortent dans cette rue. Chacun porte un fusil. Et ils montent dans un tramway. La caméra suit le tramway. La musique continue. La tramway s’arrête plusieurs fois. Des civils le prennent. Ils sont tous en armes. Enfin, le tramway arrive dans une banlieue. Il s’arrête sur une petite place où se trouve déjà plusieurs autre tramway. Et, à côté d’eux, ce sont des camions qui attendent. Les tramway se vident. Tous les passagers étaient des hommes armées… Pas de femmes. Les hommes montent dans les camions. la caméra suit les camions. Toujours la musique. Toujours le même plan. Pas de coupes. Pas d’inserts. Et nous arrivons devant les premières tranchées. Et, tout d’un coup, la caméra va vers la steppe. Immense. Vide. La musique monte de plus en plus . Jusqu’à ce que la caméra ait traversé la steppe pour prendre, en enfilade, mille blindés allemands prêts à