" Père et Fils " de Michel Boujenah

Faire rire et émouvoir aurait pu n’être qu’un idéal cinématographique. Mais lorsque l’idée s’allie à l’audace, l’image s’expose à un nouvel essai de talents. A première vue, sourire des aléas de la vie ne semble pas chose aisée et pourtant, Boujenah a su parvenir avec brio à une œuvre assez singulière. Defunès avait construit sa carrière sur la même question : comment trouver le rire là où il n’y en a pas ? Le film traite de la famille décomposée, des derniers liens éclatés et surtout, des relations père/fils dans l’érosion du temps. Il se devait donc de posséder une pointe de noirceur, propre au sujet. Mais qu’y a t-il de mieux que la dérision pour sublimer nos inhibitions, nos rancoeurs, notre orgueil ?

Il a suffit qu’un tout « jeune » réalisateur pose sa « patte » sur la pellicule pour que celle-ci agisse comme une véritable bombe à retardement (dialogues pimpants, gloussements spontanés et gags en tout genre…). A contrario, le film véhicule de belles idées (alias « bonnes vieilles » valeurs traditionnelles françaises) et Boujenah défend avec conviction la cause du « clan ». Pourtant, le casting relevait du défi : tenter de trouver l’osmose du jeu en affrontant de fortes têtes semblait difficile à réaliser. Un jeune « césarisé » en chômeur sado-maso (Bruno Putzulu), un habitué du genre dramatique en chef d’entreprise (Charles Berling) et un nouveau comique décadent en fumeur de joints (Pascal Elbé) : voici les ingrédients nécessaires pour former un trio choc. Si la bande de joyeux lurons existe bel et bien, elle ne serait que banalité sans l’apport triomphant d’un Noiret (au mieux de sa forme),convaincant en « malade imaginaire ».

Bref, le film génère de belles émotions (la pitié, la peur, l’affection…)et devant de telles prestations , le mensonge lui, trouve toute sa validité. L’humour français ne frise plus le ridicule mais si l’intelligence du sujet ennuie profondément le public ; qu’il admire les beaux paysages québecois qui ont su rythmé l’œuvre en question.

Exposer les antipodes pour mieux les rassembler (rupture/conciliation, déluré/inhibé, mensonge/vérité…) aurait pu provoquer de sérieuses critiques mais qu’on se le dise, l’ancien élève de la Comédie-Française a grandi. Quant à Molière lui, il aurait sans doute applaudi…

Dorothy Malherbe le 2002-08-20