" Les choristes " de Christophe Barratier

Un premier film est toujours un exercice difficile, et n’est pas Godard qui veut , avec son « A bout de souffle » , film culte et provocateur qui ne lasse pas , et ce , depuis plus de quarante ans. S’est frotté à cette expérience le critique de cinéma Thierry Klifa , qui avec « une vie à t’attendre » nous promit des émotions , en vain. « Les choristes » est également un premier long métrage , celui de Christophe Barratier , et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on est bouleversé . Merci m’sieu !! Barratier commença à approcher le cinéma en rejoignant la boite de production de son oncle Jacques Perrin , en 1991. Il produisit quatre ans plus tard le fabuleux «Microcosmos , le peuple de l’herbe » qui époustoufla petits et grands. C’est donc tout à fait légitime que le neveu demande à son oncle de venir tenir un rôle dans son premier film. L’histoire commence un jour d’enterrement , quand Pierre Morhange « vieux » (Jacques Perrin) retrouve Pépinot , qui partagea quelques années de son enfance , à l’internat du fond de l’étang. Les deux hommes remontent le temps et se retrouvent en 1949 , lorsqu’un nouveau surveillant , Clément Mathieu arriva à l’internat. Cet homme calme et patient s’imposa comme l’électron libre dans cette école dirigée d’une main de fer (dans un gant de .. fer !!) par Rachin , odieux directeur aux méthodes plus que douteuses. Mathieu transforma le monde triste et froid dans lequel évoluaient les chérubins , grâce à sa musique et à la création d’une chorale. De ces voix encore jeunes se détacha celle de Morhange , « tête d’ange mais diable au corps » qui s’en trouva bouleversé pour toujours (cf. l’une des premières scènes). Bien sur, l’histoire n’est pas d’une grande innovation . Bien sur le méchant Rachin (dont les victimes triompheront) est interprété par François Berléand , mais ce dernier excelle en dirlo sadique et impénitent . De même Gérard Jugnot , le fameux Monsieur Mathieu qui impose le respect .. en respectant d’abord l’autre , n’a t il pas eu à démontrer de grandes qualités de jeu , mais ses qualités humaines n’en ressortent que mieux . Et puis , comment résister à tous ces enfants , qui s’appliquent tellement qu’ils en sont remarquables ? L’enfance est fascinante , la preuve nous en est encore faite , et toutes ses maladresses ne font que nous émouvoir. Qui n’aimerait d’ailleurs pas croquer les joues du petit Pépinot ? L’apothéose est bien entendu la chorale . De purs moments de bonheur pour les oreilles (et les yeux) que d’entendre ces mômes chanter à l’unisson , ou tantôt en canons .. toujours avec sérieux. Le lieu même de l’école , bien que représentant le coté obscur de la force pour les têtes blondes , n’en est pas moins un magnifique château et le soleil qui filtre à travers les branchages permet à Barratier de jolies images . N’oublions pas le jeune Morhange , joué par Jean-Baptiste Maunier , un véritable soliste mais acteur non professionnel , dont la beauté des traits et la pureté de la voix nous laissent pantois. Tous ces ingrédients se mélangent , et l’alchimie entre musique et enfance opère. Sur une histoire inspirée de celle de « La cage aux rossignols » un film que Jean Dréville réalisa en 1945 , Barratier a réussi à mettre sa propre touche , ses propres notes et accouche d’un premier film qui réjouit.
Lucie Mérijeau le 2004-03-20