" Big Fish " de Tim Burton

Tim Burton est un prodige. Un touche-à-tout cumulant avec succès les emplois de réalisateur, acteur , producteur , directeur artistique et scénariste (de l’excellent Etrange Noël de Mr Jack , 1994). Mais les gens bourrés de talent ne sont pas des dieux , eux aussi sont faillibles et dans le cas de Burton ce risque était d’autant plus grand , que grandes étaient ses œuvres passées , qualifiées pour certaines de chefs d’œuvres ! L’ Edward aux mains d’argent (1990) immensément prometteur révéla un problème : comment parvenir au-delà de la perfection lorsqu’on l’a atteinte une voire plusieurs fois ?! On pourra trouver des circonstances plus ou moins atténuantes au nouveau film de Burton , sympathique divertissement sans être beaucoup plus. Ce film , il l’a « simplement » réalisé , lui l’accoucheur total de ses autres films , dans lesquels il s’impliqua autrement plus. Big Fish est l’adaptation du livre de Daniel Wallace Big fish , a story of mythic propositions ; initialement prévu pour être réalisé par Spielberg , qui voulait donner le rôle principal à Jack Nicholson mais préféra finalement se lancer dans son Catch me if you can. L’histoire qui nous est contée est celle d’Edward Bloom (nom désormais devenue marque de fabrique de monsieur Burton) , un homme aux portes du paradis , qui rencontre une dernière fois son unique fils William. Ce dernier est décidé à découvrir qui se cache réellement derrière le flot d’histoires abracadabrantes déversé par son père depuis son enfance. Le film est comme divisé par deux histoires s’alliant relativement bien ensemble : les contes , le côté épique et extraordinaire , et par ailleurs la relation père-fils , pas toujours évidente. (on pensera inévitablement avec ce dernier argument dans l’air du temps à de nombreux films dont celui du canadien Denis Arcand qui triomphe actuellement avec Les invasions barbares). Le récit se déroule à deux vitesses : un présent où les conflits sont difficiles à taire , et un passé , celui d’Edward qui avec de nombreux flash-backs construit la figure mythique qu’il est devenu. Les couleurs , qui sautent aux yeux du spectateur sont un point fort du film , de même que la panoplie de seconds rôles tous attachants. Jessica Lange tout d’abord s’impose avec une grâce et une féminité remarquables dans le rôle de Sandra , la femme qu’Edward aima au premier regard , nous faisant penser que derrière chaque homme se cache une force féminine au grand cœur. Steve Buscemi campe quant à lui Norther Winslow , le grand poète devenu homme d’affaires, et réussit chacune de ses apparitions , qui ne manquent jamais de nous amuser. Danny De Vito ensuite , qui collabore pour la troisième fois avec Burton , est un Mr Loyal que l’on aimerait bien avoir comme oncle . La troupe du cirque dont il s’occupe est par ailleurs loin de n’être qu’un Freaky Show , et marque au contraire les esprits par une présence bien dosée , nous faisant rire , et même sourire lors de scènes pourtant moins jubilatoires que d’autres telle celle de l’enterrement. On regrettera que ce qui devait être la « fierté nationale » , Marion Cotillard en belle fille (forcément frenchie) d’Edward , ne soit qu’insipidité dans un rôle qui l’est tout autant. Ewan McGregor rôle principal du film en Edward Bloom jeune , est tout à fait crédible et entraînant , même si l’on ne peut s’empêcher de penser au Moulin Rouge de Luhrmann en le voyant , les couleurs aidant il est vrai. Albert Finney , la version vieillissante d’Edward , est également plaisant à voir ici. Mais cela ne saurait suffire. L’absence du génie burtonnien ne nous permet malheureusement pas d’apprécier cette fable comme elle le devrait être. L’on passe malgré cela un moment agréable et distrayant , ce qui n’est déjà pas si mal !
Lucie Mérijeau le 2004-03-20